Se plonger dans la lecture de textes philosophiques est souvent considĂ©rĂ© comme une entreprise ardue, rĂ©servĂ©e Ă quelques initiĂ©s ayant reçu les enseignements appropriĂ©s. En rĂ©alitĂ©, mĂŞme les Ă©tudiants en philosophie avouent parfois leur perplexitĂ© face Ă la densitĂ© et la complexitĂ© des textes qu’ils Ă©tudient. Mais quelle est la source de cette difficultĂ© ? Et, plus essentiellement, comment la surmonter pour profiter des trĂ©sors de sagesse de cette discipline ?
La philosophie : un défi à la routine de lecture
Contrairement à la lecture d’un roman ou d’un article d’actualité, la philosophie n’est pas un récit. Elle propose, décompose, argumente et reconstruit des idées, des concepts, des visions du monde. Lorsque l’on lit Platon, Nietzsche ou Simone de Beauvoir, il ne s’agit pas simplement de suivre un fil narratif, mais de suivre un cheminement de pensée. Chaque phrase, chaque mot a été choisi avec soin pour transmettre une idée précise, une nuance, un argument.
Lorsque l’on s’adonne Ă la lecture d’un roman, il est frĂ©quent de survoler certains passages. En philosophie, chaque mot compte. Il est donc essentiel d’admettre que cette lecture demande un effort. Si vous ĂŞtes dĂ©jĂ un “bon” lecteur de romans, il faut se prĂ©parer Ă l’idĂ©e de passer une journĂ©e entière sur une poignĂ©e de pages. Lorsqu’on a l’habitude de terminer un roman en deux ou trois jours, cela peut s’avĂ©rer frustrant ou simplement dĂ©routant. On peut avoir l’impression “de ne pas avancer”. Or, c’est normal. Cela tient Ă l’exercice philosophique. C’est aussi cet effort qui, pour peu qu’on l’accepte, devient peu Ă peu et paradoxalement, un dĂ©lice de lecture.
Les embûches du chemin philosophique
La lecture d’un texte philosophique peut parfois s’apparenter Ă une randonnĂ©e en montagne : le chemin est sinueux, les obstacles nombreux, et il est facile de se perdre. Les difficultĂ©s peuvent provenir du vocabulaire employĂ©, des rĂ©fĂ©rences Ă d’autres penseurs ou d’un style d’écriture dense et complexe. On peut Ă©prouver de l’ennui, de l’inconfort, de l’incomprĂ©hension (parfois total !) mais l’erreur serait de croire que c’est “anormal” ou que vous n’êtes pas assez intelligent pour poursuivre la lecture.
C’est important de comprendre que cet inconfort fait partie du voyage et que tous les lecteurs (même les étudiants en philosophie !) le ressentent. C’est d’autant plus vrai que le texte à lire est éloigné dans le temps. Les références et les paradigmes changent et la compréhension devient plus ardue encore. Cela ne doit pas vous décourager à vous lancer dans la lecture de “grandes œuvres” philosophiques.
Poursuivre la lecture mĂŞme si on ne comprend pas grand chose
Comme pour toute compĂ©tence, la lecture philosophique s’affine avec la pratique. Oui, il y aura des moments dĂ©sagrĂ©ables, des passages obscurs, de la lassitude, de l’ennui… Ce sont aussi les Ă©motions que l’on traverse lorsqu’on mĂ©dite. Pour progresser, le lecteur de philosophie doit savoir que ces difficultĂ©s sont normales.
Au dĂ©but, vous ne comprendrez quasiment rien, mais le peu que vous aurez compris, mĂŞme s’il ne s’agit que de quelques phrases, sera le fil rouge qui vous conduira Ă un autre livre, Ă un autre philosophe. Et de lecture en lecture, les concepts trouveront leur place. Quand vous reviendrez au livre d’origine quelques annĂ©es plus tard, vous serez surpris de constater votre progression.
Des clés pour une lecture fructueuse
Prendre son temps : lisez lentement, relisez les phrases, notez. Ne vous précipitez pas pour terminer un chapitre ou un livre. Si vous passez une journée sur quelques phrases, cela ne signifie pas que le livre n’est pas fait pour vous, c’est juste ainsi que la philosophie se lit.
Accepter de ne pas tout comprendre : parfois, il est nécessaire de laisser certaines idées mûrir en soi. Avec le temps et la réflexion, de nombreux concepts finiront par se clarifier. Vous ne comprenez absolument rien depuis une vingtaine ou une cinquantaine de pages. Poursuivez votre lecture.
Rechercher des ressources complĂ©mentaires : si un texte semble particulièrement ardu, n’hĂ©sitez pas Ă Ă©couter une Ă©mission de radio, des podcasts, des vidĂ©os Youtube, des documentaires sur son auteur. MĂŞme s’ils ne dĂ©cryptent pas frontalement l’Ĺ“uvre, le contexte fourni vous aidera Ă l’aborder.
Comprenez le cadre de l’Ĺ“uvre avant de vous lancer dans la lecture : ne faites pas l’impasse sur l’introduction, la prĂ©face ou les notes de traduction. Ce sont des Ă©lĂ©ments de contexte qui constituent de bons indices. De la mĂŞme manière, commencez toujours par jeter un Ĺ“il sur la table des matières. Elle dĂ©taille le dĂ©roulement de la pensĂ©e de l’auteur. Comprendre le contexte d’une Ĺ“uvre et les diffĂ©rentes Ă©tapes en amont de la lecture va vous permettre de vous situer..
La rĂ©compense de l’effort
La lecture de la philosophie est certes exigeante, mais elle est aussi infiniment passionnante. Se lancer dans la lecture d’une œuvre difficile est une source de satisfaction délicieuse. Ne vous laissez pas impressionner par l’aura de son auteur ou sa réputation. Si vous “sentez” pour une raison ou pour une autre, que ce livre vous appelle, alors lancez-vous.